Selon les données historiques, la Saskatchewan d’aujourd’hui faisait autrefois partie de la Terre de Rupert appartenant à la Compagnie de la Baie d’Hudson : « La CBH avait établi, à partir de 1835, un gouvernement civil, centralisé dans le district d’Assiniboine, aux environs de la ville actuelle de Winnipeg, et composé d’un gouverneur, d’un greffier (recorder) et d’une dizaine de conseillers. La CBH a pratiqué un bilinguisme anglais-français dans le respect des communautés anglophones et francophones, et ce, peu importe la confession religieuse. » Lors de la Confédération en 1867, le Canada entreprend des négociations avec l’Angleterre pour acheter les Territoires du Nord-Ouest dont fait partie la Terre de Rupert. « En 1869, dans le but de réduire les tensions et de rassurer les habitants des territoires, le gouverneur général (1869-1872), sir John Young, émit la Proclamation royale du 6 décembre 1869 qui déclarait que les droits civils et religieux conférés aux résidents avant l’entrée dans la Confédération seraient respectés par le gouvernement du Canada après l’entrée dans la Confédération. »[2] Toujours selon la même source : « En matière de langue, la Saskatchewan, pas plus que l’Alberta, n’a voulu appliquer les dispositions de l’article 110 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest prévoyant l’utilisation facultative du français et de l’anglais à l’Assemblée législative dans les textes de lois et dans les tribunaux. La loi prescrivait aussi l’usage obligatoire de l’anglais et du français dans la rédaction des décisions des tribunaux, des lois, des procès-verbaux et des archives de l’Assemblée des Territoires. Le législateur a reconnu les droits confessionnels des citoyens, mais pas les droits linguistiques. »[3] Notre province a intégré la Confédération canadienne le 1er septembre 1905, devenant ainsi la neuvième province du Canada. Or, dès 1902, avant même l’entrée de la Saskatchewan dans la Confédération, le français est frappé d’interdiction dans les écoles, faisant fi de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest. Le statut juridique de la langue étant passé sous juridiction provinciale à partir de 1905, cette interdiction fut réitérée maintes fois, par diverses lois, dont celles de 1909, de 1918, de 1919 et de 1931. À la suite de diverses contestations judiciaires, le gouvernement de la province a dû faire marche arrière et reconnaître certains droits linguistiques à sa minorité francophone. Tous ces nouveaux droits ont été reconnus suite à des jugements de cour à divers niveaux.[4] Et la portée de ces nouveaux droits est parfois étrange. Ainsi le fait que la Cour suprême du Canada ait reconnu aux Fransaskois (les francophones de la Saskatchewan) le droit de s’exprimer en français dans une cour de justice, mais pas le droit d’être compris ! Selon le recensement de 2011, notre minorité francophone ne compte que 17 578 locuteurs natifs (1,7 % de la population totale). Ceci représente une perte de 4375 locuteurs par rapport à 1991. Encore plus inquiétant, le français langue d’usage à la maison est passé de 7155 en 1991 à 4888 en 2011.[5] Pourtant, comme en Colombie-Britannique et en Alberta, les francophones ont déjà constitué la majorité linguistique de la province. Mais les Fransaskois constituent aujourd’hui l’une des plus petites minorités au Canada. Bien que disséminés un peu partout dans la province, ils forment des communautés plus importantes à Saskatoon (3235), Regina (2495), Prince Albert (1675), Saint-Louis (1155) et Gravelbourg (env. 1000). Il est dès lors de plus en plus difficile pour une communauté si fragile d’obtenir des droits linguistiques qui se transposeront dans la réalité. Pourtant, selon le gouvernement du Canada : « La Saskatchewan accueille […] une communauté francophone vibrante et en pleine croissance. Celle-ci est chapeautée par un réseau d’organismes régionaux et provinciaux œuvrant dans des domaines aussi variés que la santé, l’éducation, la culture, le développement économique, la jeunesse, les personnes âgées, la petite enfance et la famille. »[6] Toujours selon la même source : « La Fédération des ainés fransaskois (FAF) favorise le développement et l’épanouissement des personnes âgées et retraitées francophones et francophiles de 50 ans et plus. La FAF regroupe treize clubs d’âge d’or ainsi que des membres individuels. » Et encore : « La Fédération provinciale des Fransaskoises s’engage à valoriser le bien-être des femmes francophones de la Saskatchewan. » L’Association culturelle franco-canadienne (ACFC) s’occupe des intérêts des Fransaskois dans la province. L’ACFC et l’Association provinciale des parents francophones veillent à assurer un enseignement en français de qualité. Aujourd’hui, ils travaillent étroitement avec les Conseils scolaires fransaskois.[7] Notre province compte un certain nombre d’écrivains francophones dont la romancière Martine Noël-Maw, le romancier Yann Martel, les dramaturges Madeleine Blais-Dahlem, Raoul Granger, David Beaudemont et Gilles Poulin-Denis.[8] Nous avons aussi notre récolte d’auteurs-compositeurs et interprètes francophones avec Annette Campagne, Shawn Jobin, Mario Lepage, Carmen Campagne, Alexis Normand, Étienne Fletcher, le groupe La raquette à claquette et Pierre Lalonde du groupe Garolou. Le développement culturel se manifeste par des publications visant à promouvoir les artistes. Ces initiatives sont, pour la plupart, l’œuvre du Conseil culturel fransaskois (CCF), en collaboration avec ses partenaires provinciaux et locaux. Afin d’identifier et d’aider de nouveaux talents, le CCF offre des outils tels que les concours RAMDAM, les galas Nouvelle scène et Chant’Ouest, ainsi que des formations. L’attention portée aux communautés se traduit par des festivals d’été comme la Fête fransaskoise, le Festival Théâtral Jeunesse, les Jeux fransaskois et un bon nombre d’autres activités. Le CCF assure une programmation qui comprend le Coup de cœur francophone, le programme d’aide aux membres associatifs (PAMA) et le Réseau de diffusion de spectacles de la Saskatchewan (RDSSK). Le CCF publie également L’Art en lys, un répertoire des artistes francophones de la Saskatchewan. En bref, même si la communauté francophone de la Saskatchewan peut apparaître vibrante, elle n’est, hélas, pas en croissance. Malgré le réseau des écoles de langue française, la langue d’usage à la maison est en chute libre. Or, l’usage du français à la maison est le premier indicateur de la vitalité linguistique de la communauté francophone, car c’est d’abord par le biais de cet usage que la langue se transmet comme langue maternelle. Il y a fort à craindre que lorsque le français ne sera plus la langue maternelle de quiconque, la province se désintéressera totalement du sort de notre langue. ➤ Danielle E. Cyr, spécialiste en linguistique • © photo en-tête : Jean-Yves Fréchette[1] Source : axl.cefan.ulaval.ca/amnord/saskatchewan.htm
[2] Id.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Source : bdso.gouv.qc.ca/docs-ken/multimedia/PB01662FR_TSC2017M02F00.pdf
[6] Source : saskatchewan.ca/bonjour/moving-to-saskatchewan/living-in-saskatchewan#francophone-community
[7] Source : k12.gov.sk.ca/docs/francais/fransk/schumaines/sci10/unite1/1_2d.html
[8] Source : bonjoursk.ca/fr/culture/new-page-v2
La Saskatchewan
[1]